
Redéfinir l'évaluation de la douleur aiguë pour améliorer la prédiction de la douleur chronique post-chirurgicale (DCPC)
Une étude récente publiée dans le Journal britannique d'anesthésie Maurice-Szamburski et al. examinent les limites des méthodes traditionnelles d’évaluation de la douleur dans la prédiction de la douleur postopératoire chronique (DCPC). Les chercheurs proposent de se concentrer sur l’expérience de la douleur rapportée par le patient plutôt que sur l’intensité de la douleur, en identifiant cette dernière comme un indicateur plus fiable des résultats de la douleur à long terme. Leurs résultats révèlent que la capture de l’expérience subjective de la douleur peut permettre une gestion plus efficace de la douleur et réduire la probabilité de DCPC après la chirurgie.
Aperçu de la PCSP chronique et objectifs de l’étude
La DCPC affecte jusqu'à 25 % des patients après une intervention chirurgicale, ce qui représente un fardeau considérable pour les systèmes de santé et diminue considérablement la qualité de vie. Traditionnellement, des niveaux élevés de douleur postopératoire aiguë ont été corrélés au risque de DCPC. Cependant, des facteurs psychologiques tels que l'anxiété, la dépression et la catastrophisation de la douleur contribuent également au développement de la DCPC. Conscients de cette complexité, les auteurs ont cherché à déterminer si l'expérience subjective de la douleur d'un patient, mesurée à l'aide d'un outil de résultats validés rapportés par les patients, pourrait servir de prédicteur plus efficace de la CPSP que l'intensité de la douleur seule.
Principales conclusions
Réalisée en tant qu'analyse secondaire dans le cadre d'un essai clinique multicentrique portant sur 294 patients ayant subi une chirurgie orthopédique, cette étude a utilisé les Évaluation du Vécu de l'Anesthésie Générale Questionnaire (EVAN-G) pour évaluer l'expérience de la douleur des patients. Les principaux résultats sont les suivants :
- L’expérience de la douleur comme prédicteur:Sur 219 patients dont les données sont complètes, 63 (29 %) ont développé une DCPC 90 jours après l'intervention. Ceux qui ont rapporté une expérience de douleur moins bonne sur la dimension de la douleur EVAN-G le deuxième jour postopératoire étaient significativement plus susceptibles de développer une DCPC. Ce résultat souligne la valeur prédictive de l'expérience subjective de la douleur, les patients qui ont obtenu un score faible sur la dimension de la douleur présentant un risque accru.
- Rôle limité de l’intensité de la douleur:Dans l'analyse multivariée, une fois la variable de l'expérience de la douleur incluse, l'intensité de la douleur aiguë a perdu sa signification prédictive pour la DCPC. Au lieu de cela, l'expérience de la douleur, qui saisit les dimensions cognitives et émotionnelles, est apparue comme un prédicteur plus fiable. D'autres facteurs comme la douleur préopératoire et le tabagisme ont également conservé leur signification, mais l'expérience de la douleur était la variable la plus influente.
- Questionnaire EVAN-G:L'échelle EVAN-G évalue six dimensions de l'expérience périopératoire, la dimension de la douleur étant spécifiquement liée au risque de DCPC. Cette dimension, évaluée le deuxième jour postopératoire, a fourni une vision plus nuancée de l'inconfort du patient, reflétant des éléments psychologiques souvent omis dans les échelles de douleur traditionnelles.
Implications pour la gestion de la douleur
L’étude souligne l’importance d’élargir les protocoles d’évaluation de la douleur pour inclure les expériences rapportées par les patients, suggérant qu’une telle approche pourrait mieux identifier les patients à risque de DCPC. Les principales recommandations sont les suivantes :
- Intégrer les résultats rapportés par les patients:Le passage d’échelles de douleur purement objectives à des outils mesurant les expériences de douleur subjectives (comme l’EVAN-G) pourrait conduire à une gestion de la douleur postopératoire plus personnalisée et plus efficace.
- Aborder les composantes psychologiques de la douleur:Reconnaissant le rôle des facteurs psychologiques dans l’expérience de la douleur, les prestataires de soins de santé pourraient intégrer des interventions qui s’attaquent à l’anxiété des patients et à la catastrophisation de la douleur afin de réduire le risque de CPSP.
- Réévaluer les stratégies de gestion de la douleur:Au-delà des approches basées sur l’intensité, les stratégies de gestion de la douleur devraient donner la priorité à la récupération fonctionnelle et aborder les aspects cognitifs de la douleur, réduisant ainsi potentiellement les complications à long terme comme la CPSP.
Conclusion et orientations futures
Cette étude suggère que se concentrer sur l’expérience subjective de la douleur peut offrir une prédiction plus précise de la DCPC que l’intensité de la douleur seule. En intégrant des outils comme le questionnaire EVAN-G dans les soins postopératoires, les prestataires peuvent identifier plus tôt les patients à risque et adapter les interventions pour traiter à la fois les aspects physiques et psychologiques de la douleur. Ces résultats ouvrent la voie à de futures recherches et à des changements de pratique visant à améliorer les résultats des patients et à réduire l’incidence de la DCPC.
Pour plus de détails, reportez-vous à l'article complet dans BJA
Maurice-Szamburski A, Bringuier S, Auquier P, Capdevila X. Du niveau de douleur à l'expérience de la douleur : redéfinition de l'évaluation de la douleur aiguë pour améliorer la compréhension de la douleur chronique post-chirurgicale. Br J Anaesth. 2024;133(5):1021-1027.
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